NESTLE ETOUFFE UNE AFFAIRE EXPLOSIVE ???????
Le petit Henri-Joël mort à cause d’un faux lait ?
Les parents de ce bébé camerounais décédé en 2001
incriminent un produit contenant un substitut végétal commercialisé par
Nestlé.
MARIA MALAGARDIS
QUOTIDIEN : jeudi 13 décembre
2007
De quoi est mort le petit Henri-Joël Tchamga ? Le 7 mai
2001, ce bébé de 14 mois totalement déshydraté et souffrant de violentes
diarrhées était admis en urgence dans une clinique d’Edea, petite ville au sud
du Cameroun. Il décédait quatre jours après son hospitalisation. En Afrique, ce
décès avait toutes les chances de passer inaperçu. Ce fut d’ailleurs le cas.
Mais aujourd’hui, l’histoire d’Henri-Joël Tchamga ressurgit au cœur d’une
plainte que révèle Libération :
trois familles camerounaises, dont celle d’Henri-Joël Tchamga, ont décidé de
demander réparation à Nestlé, en Suisse. Elles sont persuadées que leurs enfants
ont été victimes d’un «faux» lait concentré contenant en réalité un substitut
végétal. Difficile, voire impossible à digérer par de très jeunes
enfants.
Outre le
petit Henri-Joël, deux petits garçons se nourrissant eux aussi exclusivement du
même lait de la marque Gloria
«Pressions». Trois
familles contre une multinationale ? L’affaire semble perdue d’avance. «Pourtant, il y a eu des pressions folles sur les
avocats et les journalistes pour que cette histoire ne sorte pas»,
accuse maître William Bourdon, le président de Sherpa, un réseau de juristes
qui soutient «les victimes de la
mondialisation» face aux multinationales. C’est Sherpa qui a servi
d’intermédiaire entre les familles camerounaises et le cabinet Lalive en Suisse.
Lequel affirme avoir «le plus grand mal à
obtenir les réponses les plus simples de la part de Nestlé».
Ce n’est
pas la première fois que la multinationale suisse est au cœur d’une polémique
sur la nature ou la qualité de ses produits. En 2002, 300 tonnes de lait périmé
avaient été confisquées par les autorités colombiennes. Bogota avait alors
soupçonné Nestlé d’avoir modifié la date de péremption de la poudre en cause.
Deux ans plus tard, en 2005, 30 millions de litres de lait Nestlé pour bébé
avaient dû être saisis par la police italienne à la suite de la découverte d’une
contamination par une substance chimique, laquelle se trouvait sur l’encre des
cartons d’emballage et avait réussi à se diffuser dans les produits laitiers.
Sans, apparemment, faire de victimes.
Cette fois,
l’homme par qui le scandale éclate s’appelle Pius Bissek. A la fin des
années 90, cet entrepreneur camerounais voit sa société de produits laitiers
frôler la faillite.
C’est alors
que Pius Bissek entend parler d’une étrange épidémie de diarrhées chez des bébés
camerounais. Pour lui, les deux affaires sont liées. C’est aussi la conviction
du professeur Hughes Nyame. Ce médecin réputé au Cameroun rédige en 2004 une
étude officielle à ce sujet : «Depuis 1999, écrit-il, on a observé dans les services de pédiatrie une
augmentation des cas de malnutrition. Après enquête, il est apparu que la
plupart de ces enfants étaient alimentés par de faux laits concentrés
sucrés .» Or la
plupart de ces produits sont apparus après 1994, année de la dévaluation du
franc CFA qui perd soudain la moitié de sa valeur, provoquant une explosion du
prix des importations. Et, notamment, celles de lait concentré, dont raffolent
les Camerounais, lesquels en donnent souvent à leurs bébés lors du
sevrage.
Interrogé
par Libération, Nestlé reconnaît
avoir mis sur le marché camerounais «entre 1999 et 2002» un «aliment lacté Gloria» avec de la matière
grasse végétale, destiné «à des
consommateurs à faible pouvoir d’achat ». Mais la compagnie considère n’avoir
aucune responsabilité dans le décès d’Henri-Joël ni dans les autres cas «d’intolérance» au lait Gloria. Car, pour
Nestlé, les boîtes mentionnaient bien que «ce produit ne remplace pas le lait
maternel». Selon la firme suisse, le consommateur aurait donc été
averti. «L’indication figure en tous petits
caractères ! s’exclame Pius Bissek. Même en France, si on vous présente un
produit que vous avez toujours pris pour du lait, vous n’allez pas lire toutes
les mentions sur la boîte ! Alors, imaginez au Cameroun, où c’est d’abord le
prix qui prime.» Et Pius Bissek d’ajouter : « Si ces produits ne sont pas destinés aux jeunes
enfants, pourquoi alors Nestlé a-t-il demandé une exonération de TVA au titre de
"préparations alimentaires infantiles"
?»
Dossier classé.
Cette exonération aurait été refusée par les douanes camerounaises. Celles-ci,
flairant une fraude sur les taxes de ces «faux vrais laits», ont fait venir au
Cameroun deux inspecteurs de l’Olaf, l’office européen de répression des
fraudes. En repartant à Bruxelles en avril 2002, ils promettent d’envoyer leur
rapport à leurs collègues camerounais. Lesquels l’attendent toujours… En
réalité, le dossier a été classé sans suite en septembre 2004. Apparemment sans
que les douanes camerounaises en aient été averties. A cet étrange silence,
s’ajoute la disparition des preuves éventuelles : fin 2004, tous les produits
Gloria ont été retirés du marché camerounais. Pius Bissek, lui, a gardé une
boîte, qu’il pourrait utiliser lors du procès intenté à ses concurrents, prévu
début 2008.
Reste une
interrogation : s’il est confirmé que c’est bien un faux lait qui a tué le petit
Henri-Joël Tchamga, combien d’autres enfants en ont été victimes ? «Cet enfant a été examiné dans une clinique privée où
l’on garde les dossiers pendant dix ans , soupire le docteur Mpouma, pédiatre de
la clinique d’Edea. Mais, au Cameroun, la
plupart des gens vont à l’hôpital public, en piteux état, ou bien meurent
à domicile.» Sans forcément se poser autant de
questions.